Le photovoltaïque pour satellite

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C’est en 1887 qu’Heinrich Rudolph Hertz présenta pour la première fois l’effet photoélectrique dans un article de la revue scientifique « Annalen der Physik ». On appelle effet photoélectrique l’émission d’électrons par un matériau soumis à un éclairement ou à un rayonnement électromagnétique d’intensité propre au matériau. Moins d’un siècle plus tard, Albert Einstein redéfinit ce phénomène en introduisant la notion de photons et de quanta, en 1922, celui-ci recevra le prix Nobel pour ses recherches[1]. La première cellule solaire voit le jour dans les années quarante, donnant accès à une énergie propre mais aussi inépuisable.

« Il y a 50 ans, le 4 octobre 1957, la fusée soviétique R7 mit sur orbite le premier satellite artificiel Spoutnik 1. Cet évènement lança le début de la conquête spatiale et d'une compétition acharnée entre les USA et l'URSS.» (Journal Le Monde, pour les 50 ans de Spoutnik).

Cette course au développement de systèmes spatiaux toucha de nombreux domaines : l’étude de l’espace lui-même, la science des matériaux et surtout le domaine de l’énergie. En effet l’alimentation électrique des appareils embarqués dans les navettes spatiales était, à l’époque, gérée par des batteries au zinc d’argent qui se déchargeaient au bout d’une vingtaine de jour. Pour pallier à cette baisse de puissance, un certain nombre de systèmes de stockage de l’énergie furent développés. L’intérêt pour l’effet photovoltaïque fut très rapidement mis en avant. Les panneaux solaires sont effectivement le seul moyen non nucléaire d’alimenter de façon continue les satellites en orbite.

C’est en 1958 qu’a eu lieu le lancement du premier satellite fonctionnant à l’énergie photovoltaïque. De nos jours l'énergie solaire se place comme la première source d'énergie pour les missions spatiales. Chaque nouvelle avancées dans ce domaine permet d’améliorer les systèmes énergétiques de ces missions, en rendant les navettes les plus efficaces et les plus légères possibles[2].


Intérêts du photovoltaïque dans le spatial

Généralités : rayonnement solaire dans l’espace

Sur Terre le rayonnement solaire est reçu de façon intermittente. Les rayons du soleil sont occultés par les différentes couches constitutives de l'atmosphère, ainsi que par les nuages. De plus la géométrie pseudo-sphérique de notre planète induit une différence d'ensoleillement selon la localisation considérée. Son mouvement, à l'origine du phénomène de jour et de nuit, réduit de moitié le flux solaire perçu.

Les couleurs de la carte indiquent le rayonnement solaire, en moyenne, des années 1991 à 1993 (24 heures/jour), en considérant les données des nuages des satellites météorologiques. Le rayonnement dans les régions sous les points foncés peuvent fournir toute la puissance électrique, thermique, carburant, etc. pour le monde entier si ces régions étaient couvertes de panneaux solaires d'une efficacité de 8%.


Dans l'espace, le rayonnement solaire n'est pas altéré, l'énergie disponible est donc près de dix fois supérieure à celle captée par la surface terrestre. De plus ce rayonnement est constant car indépendant des saisons des jours et des conditions météorologiques. Ainsi hors atmosphère l'énergie solaire est aussi fiable que l'énergie nucléaire.

La puissance du rayonnement solaire reçu peut être évaluée grâce à l'équation suivante :

Formule puissance.png

Pour une intensité avant atmosphère de 1366 Watts/m2 et un rayon (distance Terre/Soleil) de 150.106 km on obtient une puissance de 384,6.1024 Watts[3].

Dans le graphique suivant on voit clairement apparaître la différence entre l'intensité de rayonnement incident hors atmosphère et le rayonnement au niveau de la surface terrestre.

Rayonnement solaire incident hors atmosphère et au niveau de la surface terrestre.[4]

L'énergie solaire est plus pérenne dans l'espace que sur Terre. De nombreuses navettes et satellites furent donc équipés de panneaux solaires afin d'alimenter leurs systèmes embarqués, plutôt que des systèmes de production à énergie nucléaire plus instables et moins durables.

L'énergie solaire et les satellites

Les besoins en énergie des satellites sont fonction de leur taille et de leur mission. Les satellites de communication, qui émettent en permanence sont ceux qui nécessitent le plus d'énergie. Les satellites alloués à la recherche fonctionnent, pour la plupart, par intermittence et avec des puissances inférieures. Pour exemple, les télescopes spatiaux (en 2009) demandent une énergie comprise entre 1 et 15 kW, grâce à l'emploi de technologie électronique basse puissance.

De nos jours, cette énergie est produite grâce à des panneaux solaires. Pour générer 10 kW à l'aide du rayonnement solaire, il faut une surface de module approchant les 40 m2. Cependant les satellites étant en rotation perpétuelle autour de la Terre un système de suivi solaire, ainsi qu'un ensemble de batteries sont obligatoires pour fournir une puissance continue. Les systèmes positionnés sur des orbites dites géostationnaires ou héliosynchrones ne nécessitent qu'un axe d'orientation pour les panneaux, contrairement aux autres orbites comme les orbites polaires qui en nécessitent deux. Les satellites sur orbite héliosynchrone se retrouvent dans l'ombre de la Terre durant 1/3 de leur révolution. Tandis que ceux sur orbite géostationnaire ne traversent une zone d'ombre que pour les périodes d'équinoxe. Lorsque les modules sont dans l'incapacité de produire de l'énergie comme c'est le cas dans le cône d'ombre de la Terre, les batteries prennent le relais. Cependant, les cycles de charge et de décharge réduisent la durée de vie des satellites. La "vie" d'un satellite est donc limitée non pas par la durée de vie de ces modules mais à celle du parc de batteries, en moyenne un satellite, sur ces orbites, n'émet pas plus de 5 ans.

Les satellites dans l'espace sont soumis à de très grandes différences de températures. L'écart entre la face éclairée et la face sombre peut atteindre 200 °C. Le contrôle thermique est donc un véritable problème, tant pour le corps du satellite que pour ces modules, seule source d'énergie à sa disposition. Sur Terre la régulation de température peut se faire en partie par convection, or ce n'est pas possible dans l'espace. Le principe de refroidissement repose donc sur le transfert radiatif, bien moins efficace que le transfert convectif. La structure principale est isolée par différentes couches ; pour exemple : de kapton, d'aluminium ou encore de soie. Cette isolation a pour but de réfléchir le rayonnement infrarouge. Des systèmes de radiateurs et de caloducs, refroidissent quant à eux les équipements internes. Les modules sont protégés de la chaleur par des peintures et des matériaux isolants.

Quand le satellite passe dans des zones d'ombre, ceux sont des systèmes de chauffages qui assurent une température viable pour les composants.

Notons que le système de propulsion des satellites est principalement assuré par propergol solide, ergols liquides ou gaz froid. Cependant la propulsion électrique, reposant sur l'utilisation de l'énergie solaire, est aujourd'hui à l'étude. Elle permettrait de réduire le poids des satellites par la suppression des réservoirs de carburant.

Les besoins énergétiques des satellites mis en orbite sur des planètes éloignées du soleil, ne peuvent malheureusement pas être alimentés par des cellules solaires ; les générateurs nucléaires sont alors indispensables pour assurer la survie de l'appareil. (ex : sonde spatiale Cassini[5])


1958 : Vanguard 1, premier satellite équipé de panneaux solaires

Vanguard 1, le premier satellite doté de cellules solaires

Le 17 mars 1958, soit un an après le lancement de spoutnik-1, les américains effectuent le lancement de leur second satellite sur orbite terrestre, Vanguard 1.

Cet appareil avait pour mission de relever des données concernant l'impact de l'environnement sur les satellites et le matériel embarqué. De plus son lancement a permis de tester l'efficacité des lanceurs à trois étages.

Il sera le premier appareil alimenté par des modules photovoltaïques.

Cette sphère en aluminium était en effet équipée de six cellules solaires d'environ 5cm de côté et alimentant un transmetteur (5 mW à 108,03 MHz) indépendant de la batterie. L'énergie stockée dans cette batterie au Mercure alimentait quant à elle, un autre transmetteur (10 mW à 108 MHz) permettant l'envoi de données thermiques concernant l'isolation de la sphère, mais également le relevé de la quantité d'électrons entre la station au sol et le satellite.

L'estimation initiale prévoyait que le satellite resterait en orbite près de 2000 ans. Cependant les effets de la pression des radiations solaires et de la trainée atmosphérique, durant les phases d'activité du Soleil, ont contraint les scientifiques à revoir à la baisse la durée de vie prévue à 240 ans seulement. Actuellement Vanguard 1 est donc toujours en orbite autour de la Terre.

La batterie cessa d'alimenter le transmetteur en juin 1958 soit deux mois et demi après sa mise en fonctionnement. Les derniers signaux du transmetteur solaire furent captés en mai 1964, six ans après le lancement.

Vanguard 1 releva au cours de sa vie de précieuses données. Le succès du système d'alimentation solaire embarqué démontra l'utilité d'équipé de modules solaires les satellites et relança la recherche dans ce domaine [6].


1959 : Explorer-6, premier satellite scientifique américain équipé de cellules à 10% de rendement

En 1959, le groupe Hoffman Electronics développe des cellules solaires pouvant atteindre 10% de rendement et dont la collecte des porteurs se fait par le biais d'une grille pour réduire la résistance série. La même année, en août, le satellite explorer 6 est lancé. Ce dernier, d'une masse de 40 kg, embarque à son bord une caméra dans le but de filmer la Terre. Son alimentation sera assurée par un parc photovoltaïque de 9600 cellules. Chacune d'entre elles mesurant 1 cm par 2 cm[7].

Explorer-6, le premier satellite équipé de cellules à 10% de rendement

1962 : Telstar, première retransmission en mondovision

Telstar

Telstar avait pour mission de tester la viabilité des projets de télécommunication (relais d'appels téléphoniques, émissions télévisées). Il effectuera avec succès la première retransmission en mondovision. Telstar était également chargé d'une mission scientifique visant à réaliser des mesures de radiation.

Cet appareil, un polyèdre de 88 cm de diamètre et de 77 kg fut en grande partie recouvert de cellules solaires de 12 Watts de puissance. Le stockage de l'énergie était assuré par une batterie de nickel-cadmium[8].


De 1964 à nos jours

En 1964, Nimbus 1, premier satellite du programme météorologique Nimbus est mis sur orbite. Il est équipé de deux panneaux solaires orientables (470 W), contenant 10.500 cellules[9].

En 1965, Peter Glaser et Arthur D. Little développe l'idée d'une centrale solaire satellite.

En 1966, OAO-1 (Orbiting Astronomical Observatory) est lancé avec une gamme de puissance photovoltaïque de 1 kW.

1968, mise en orbite de l'OVI-13 alimenté par deux panneaux de CdS[10].

1971, Prospero (X-3) est le seul satellite anglais ayant orbité autour de la Terre. Celui-ci avait pour mission d'étudier le comportement des cellules solaires dans l'espace et également d'améliorer la détection des micrométéorites[11].

En 1993 les premières cellules III-V multi-jonctions voient le jour pour de futures applications spatiales[12].

C'est au cours du programme spatial Deep Space 1, en 1998, que le système à concentration SCARLETT ARRAY fut testé[13].

En 2009 débute le projet ISS (International Space Station).

Les cellules pour le spatial

Afin d’utiliser plus efficacement le spectre solaire, la recherche spatiale s’est concentrée sur l’étude de cellules solaires multi-jonctions. Ces cellules, à base d’éléments III-V, sont composées de différentes jonctions capturant chacune une partie spécifique du spectre solaire[14]. De plus ce type de cellule est particulièrement résistant aux radiations ce qui en fait une cellule parfaite pour le spatial[15].

Filière gallium

L’arséniure de gallium (GaAs) peut aussi bien convertir de l’électricité en lumière (diode) que de la lumière en électricité. Cet alliage, et plus particulièrement le gallium est très utilisé dans les cellules solaires triples jonctions. Nous allons donc étudier les propriétés, l’occurrence, le type de production et l’impact sur l’environnement et la santé du gallium[16].

Les Propriétés du gallium

Le gallium est un des rares éléments à pouvoir se trouver sous forme liquide à des conditions de température et de pression standards. Ce phénomène est du au faible point de fusion de cet élément, qui est d’environ 29,78°C. Cependant sa température d’ébullition est quant à elle de l’ordre de 2000°C, c’est ce que l’on appelle la surfusion.

Le gallium mouille presque toutes les surfaces et à une forte propension à former des alliages. Il est donc facilement miscible à l’état liquide avec les éléments suivants :

  • Aluminium
  • Etain
  • Indium
  • Zinc

Bien que diffusant facilement dans les matériaux, le gallium possède également des difficultés pour former des alliages avec :

  • Bismuth
  • Cadmium
  • Germanium
  • Mercure
  • Silicium
  • Thallium


Tableau 1 - Principaux alliages binaires du gallium
Alliages Ga

(en %)

Point de fusion

(en °C)

GaAl 96 26,4
GaIn 76 15,7
GaSn 91,5 20,6
GaZn 96,3 25,0


Le gallium appartient à la troisième colonne du tableau périodique des éléments, sa configuration électronique est donc la suivante : [Ar] 3d10 4s2 4p1. Les rayons du gallium sont donnés dans le tableau qui suit :


Tableau 2 - Rayons métalliques et ioniques

de Ga, Al et Fe

Rayons

(en A°)

Ga Al Fe
Ionique 0,62 0,50 0,67
Métallique 1,41 1,43 1,26

Le gallium est généralement utilisé sous forme de lingots d’arséniure de gallium ou de phosphure de gallium (GaAs, GaP). Les semi-conducteurs à base de gallium ont un transfert d’électrons trois fois plus rapide que pour des semi-conducteurs à base de silicium, de plus ceux-ci ont une meilleure résistance aux radiations, les rendant très intéressant pour des cellules solaires spatiales[16].

Mais le gallium a de nombreuses applications dans des domaines variées :

  • thermométrie et lubrification à haute température
  • fibres optiques
  • vision nocturne
  • pacemakers
  • batteries rechargeables
  • téléphone cellulaire
  • redresseurs de courant
  • satellites
  • lasers bleu et rouge, ...

Occurrence du gallium

Il est difficile de déterminer la quantité de gallium présent dans la croûte terrestre. Celui-ci ne s’y trouve pratiquement que sous la forme d’alliage. Bien que les réserves de bauxites (Cliachite) soit importante et relativement bien répartie géographiquement, peu du gallium présent dans cette roche sédimentaire est extrait. En effet la bauxite est utilisée depuis des années pour la récupération d’aluminium[17]. Quand aux réserves de gallium contenu dans les zincifères, elles n’ont pas été évaluées [16].

Production, coût et recyclage du gallium

Bien que la consommation de gallium soit en augmentation ces dernières années, il n’existe encore que peu d’industriel en produisant. Il est alors difficile de trouver des informations détaillées sur sa quantité de production. Cependant nous pouvons évaluer sa production mondiale à 95 tonnes pour le gallium primaire et 135 tonnes pour le raffiné. Sa capacité de recyclage est de 78 tonnes. Ce recyclage est réalisé principalement à partir des restes de fabrication de matériel électronique. Seulement 15% des lingots d’arséniure de gallium sont utilisés[16].


Tableau 3 - Capacités de production mondiale en gallium primaire, en tonnes
Pays Capacités (en t)
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2007
Allemagne 20 30 30 35 35 35 35
Australie 50 50 50 50 50 50 -
Chine 8 20 20 40 40 47 59
France 20 - - - - - -
Hongrie 4 8 8 8 8 8 8
Japon 17 20 20 20 20 20 20
Kazakhstan 20 20 20 20 20 20 25
Russie 15 19 19 19 19 19 19
Slovaquie 3 8 8 8 8 8 8
Ukraine 3 5 5 3 3 3 10
États-Unis 3 3 3 - - - -
Total 163 183 183 203 203 210 184

L’essentiel du marché actuel se trouve dans le secteur de l’électronique (téléphone portable, ordinateur, …) avec les diodes électroluminescentes (DEL) à lumière blanche. Nous pouvons prévoir pour le seul secteur des DEL, avec le nombre toujours plus croissant de téléphone mobile, une forte augmentation de la demande en gallium. Cette demande ne peut qu’augmenter davantage avec l’évolution des nouvelles technologies (Figure 6).


Tableau 4 - Evolution du prix moyen, du gallium de pureté 99,9999 %, entre 1991 et 2008 (en $/kg)
Années 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Prix 525 425 400 395 425 425 595 595 640 640 640 530 411 550 538 463 530 560

Pour le recyclage, les restes de fabrication d’arséniure de gallium sont mis en solution acide, la solution nitrique étant plus intéressante que les solutions chlorhydrique et sulfurique. Pour une température de 60°C, le taux de dissolution peut atteindre les 99 % en seulement deux heures[16].

Purification du gallium

Pour la plupart des applications du gallium, une pureté de 8N est nécessaire. Cependant le gallium produit par des procédés métallurgiques n’atteint que les 2 à 4N. Il faut donc distiller sous vide le gallium impur pour diminuer la concentration de mercure et de zinc. Pour atteindre des niveaux de pureté plus élevés, il faut procéder à une cristallisation fractionnée, ou à une croissance cristalline[16].

Impact du gallium sur la santé

Le gallium seul et en petite quantité n’est pas nocif pour la santé, malheureusement les composés du gallium sont bien plus dangereux. L’exposition à l’un d’eux, comme le chlorure de gallium cause des irritations, des difficultés respiratoires, des douleurs à la poitrine[16].

Les cellules III-V

Les cellules solaires multi-jonctions sont donc constituées par des composés à base de gallium tel que : GaInP/GaInAs/Ge ou GaInP/GaAs/GaInAs. Chaque jonction absorbe une partie du spectre solaire. Le rendement de ces nouvelles cellules est de l’ordre de 40 % pour une concentration de 300 soleils. Pour obtenir de tels rendements à la surface terrestre, ces cellules doivent être couplées avec des systèmes à concentration ; ce qui n’est pas nécessaire dans l’espace, affranchit de l’atmosphère et de tout changement climatique. C’est donc tout naturellement que le choix des ingénieurs en aérospatial s’est tourné vers cette technologie[14].

Rayonnement solaire absorbé par les différentes jonctions des cellules GaInP/GaInAs/Ge.[18]

Le GaInP n’absorbe que les photons de forte énergie (jusqu’à environ 800 nm). Le GaInAs n’absorbe normalement que la partie visible du spectre, mais il peut également absorber une partie des infrarouges selon son type de dopage. Quant au germanium il n’absorbe que les photons à faible énergie (de 900 à 1800 nm).


Composition d'une cellule multijonction GaInP/GaInAs/Ge et absorption du spectre solaire.[18]


Les cellules Sharp

Ces cellules issues de la recherche spatiale sont utilisées depuis plusieurs années pour l’alimentation des appareils de bords des satellites. Elles sont constituées de trois semi-conducteurs cristallins superposés. Cet empilement de jonction permet, comme nous l’avons vu, d’accroitre l’absorption de photons.

Cellule PV Germanium Gallium Indium.png

Contenant à l’origine du germanium, cet élément fut progressivement retiré de la fabrication au profit de l’arséniure de gallium-indium. En effet, bien que le germanium soit facile à produire, celui-ci a une forte tendance à perdre l’énergie acquise. Cette modification a permis à Sharp de passer de 31,5 % de rendement à 35,8 %. Sous 1000 soleil, le rendement peut atteindre les 45 %[19].

Cette cellule triple-jonction présente donc des gaps respectifs de 1,88, 1,42 et 1 eV pour les jonctions : InGaP, GaAs et GaInAs. Une croissance inversée permet de limiter les défauts cristallins dus à la différence de paramètre de maille de la jonction inférieure avec les autres jonctions[20].

Sa tension de circuit ouvert est de 3,012 V, son intensité de court-circuit de 12,27 mA pour une surface de 1 cm². Enfin elle possède un excellent facteur de forme de 0,853.

La société japonaise prévoit l’intégration de ces nouvelles cellules sur des satellites dès 2012[19].

Les cellules Spectrolab

Contrairement aux cellules Sharp, Spectrolab fabrique aussi bien des cellules de petites que de grandes surfaces, jusqu’à 50 cm². De plus la croissance de ces cellules par épitaxie (phase vapeur) peut se faire sur des substrats rigides ou souples[21]. Une fois la croissance faite, on métallise la face avant et arrière puis une couche anti reflet est déposée. Dès que les divers traitements sont terminés, les cellules sont découpées à la scie diamantée.

Exemple de cellules proposées par la firme de Boeing.

Ces cellules atteignent les 26 à 30 % en début de vie[21].

Tests des cellules solaires

Dans l’espace, les cellules photovoltaïques devront résister à de brusques changements de température dus au passage du satellite dans l’ombre de la Terre. Pour tester la fatigue thermique des cellules, on les soumet au flash intense d’un « soleil » artificiel et on augmente ou on abaisse la température. Cependant l’intensité lumineuse crée lors du test sera 36 fois inférieure à celle que devront subir les panneaux une fois dans l’espace. Pour étudier de manière plus approfondie ces phénomènes, les agences spatiales récupèrent les vieux panneaux solaires des satellites comme Hubble, cette récupération permet également d’étudier l’impact des micrométéorites.

Les cellules doivent être pesées car bien que le poids de celles-ci ne soit pas un problème une fois dans l’espace, il est toutefois indispensable d’en connaître la valeur pour le lancement du satellite[22].

Les systèmes de refroidissement

Dans l’espace, en l’absence de convection thermique, il est nécessaire de trouver d’autres moyens pour refroidir les cellules solaires : le refroidissement ne peut se faire que par échange radiatif[22]. Il existe deux types de refroidissement : les dispositifs passifs et actifs.

  • Dispositifs passifs :
    • les tissus isolants multicouches
    • les caloducs
  • Dispositifs actifs :
    • les réchauffeurs
    • des machines thermiques

Les tissus isolants d’apparence dorée, sont constitués d’un « mille feuille » d’aluminium, d’un tulle spécial et de couche de quasi-vide. Cet ensemble permet de limiter au maximum les échanges thermiques.

Les caloducs utilisent les phénomènes de changement d’états et de convection. Ils sont formés de tubes en aluminium extrudé arborant de fines rainures internes. Ils sont remplis d’une quantité précise d’ammoniac.

Les réchauffeurs correspondent tout simplement à des résistances chauffantes très fines dont la mise en fonctionnement est imposée par un thermostat[23].

L’avenir du photovoltaïque pour le spatial

A partir du moment où on a pu envoyer un satellite alimenté par énergie photovoltaïque dans l’espace, les chercheurs américains ont voulu révolutionner l’énergie solaire en y envoyant des centrales solaires capables de renvoyer l’énergie captée sur Terre. Le premier projet de ce type a vu le jour dans les années 1970.

Les projets abandonnés

1977-1981

Il fut lancé par la NASA en collaboration avec le DOE (Department of Energy) et s’appelait Satellite Power Systems (SPS). Il était prévu qu’il soit lancé un satellite en orbite géostationnaire, qui transmettrait l’électricité sous forme de micro-ondes qui seraient captées grâce à une parabole implantée sur Terre. Les panneaux devaient être soit en silicium, soit en Gallium-Aluminum-Arsenic. Du fait de la taille du satellite (75km²) et de son poids (35 millions de kg), les chercheurs avaient prévus de le construire dans l’espace[24].

Fonctionnement des panneaux satellites du projet SPS

La phase finale était prévue pour l’an 2000 mais étant trop couteux (plus de 250 milliards de dollars), le projet fut mis de côté en 1981.

1995-1999

En 1995, la demande en énergie étant de plus en plus importante, et les problèmes de réchauffement climatique commençant à freiner la production d’énergies fossiles, une autre étude fut lancée. Un regard neuf sur le premier projet, qui donna naissance au projet de « Sun tower ». Cette tour solaire devait faire 15 kilomètres de hauteur, avec des panneaux photovoltaïques cylindriques espacés de 100 mètres. Ils étaient faits de cellules multijonctions.

Illustration projet Sun tower.jpg

Le but de ce cette tour était d’améliorer le projet SPS grâce aux technologies découvertes depuis, tout en réduisant le coût total.[25]

Schéma de principe du projet "Sun Tower"

Les projets en cours

Cette idée de capter l’énergie solaire depuis l’espace et de la renvoyer sur Terre est encore d’actualité puisque plusieurs projets espèrent voir le jour dans le futur.

Solaren et PG&E

L’entreprise Pacific Gas & Electricity (PG&E) a prévu d’envoyer une centrale solaire dans l’espace pour 2016. Cette centrale aurait une capacité de 1000MW et pourra délivrer 1700GWh par an (250000 foyers). La transmission de cette énergie sur Terre se ferait par ondes réceptionnées dans une station à Fresno.

Pour réaliser leur projet, PG&E s’est associé à Solaren, qui a promis une technologie qui réduirait la taille et le poids de la centrale, limitant ainsi le nombre de voyages dans l’espace nécessaire à l’acheminement et l’installation de la centrale. Le coût serait alors de 2 milliards de dollars, un faible coût par rapport aux premiers projets de ce type.

Solaren assure que la centrale pourra produire de l’électricité pendant une durée de 15 ans.

Cependant, il est prévu que des robots soient envoyés afin d’installer les composants, or cette technologie reste encore très peu maitrisée et pose un frein à ce projet[26].

Principe de fonctionnement du dispositif Solaren

JAXA

Ailleurs dans le monde, l’énergie solaire spatiale intéresse aussi, au Japon par exemple, l’agence JAXA (Japan Aerospace Exploration Agency) prévoit une centrale solaire spatiale pour 2030.

La centrale serait envoyée à 36000 kilomètres (orbite géostationnaire) et fournirait 1GW d’énergie pour une superficie de 4 km². La transmission sur Terre se ferait par micro-ondes ou par laser.

La centrale solaire spatiale JAXA

Il est prévu d’avancer par étape, en envoyant un démonstrateur d’un kilowatt d’ici 2017, et un autre après 2020.

Plus d’une dizaine d’entreprises japonaises (Mitsubishi Heavy Industries, Mitsubishi Electric, NEC, Fujitsu, Sharp,…) ce sont déjà joints au projet qui couterait l’équivalent de 15 milliards d’euros. L’objectif final du gouvernement japonais est de pouvoir produire de l’électricité pour une future base lunaire.

Côté européen, la compagnie suisse Space Energy fait également des recherches dans ce domaine. De même que EADS Astrium, qui oriente ses recherches, sur la transmission de l’énergie sur Terre par rayon laser[27].

Les inconvénients principaux restent le coût exorbitant de ces projets dû aux nombreux voyages nécessaires à l’installation d’une centrale, le danger que peut représenter des ondes supplémentaires émises vers la Terre, le même problème que les ondes téléphoniques se pose. Il y a également des risques de collisions avec des débris spatiaux (astéroïdes ou restes de satellites artificiels). La question se pose aussi de l’encombrement de l’espace. De plus, il faudrait connaitre les pertes d’énergie dues à la traversée des ondes dans l’atmosphère et les comparer aux pertes du rayonnement solaire reçu par une centrale terrestre. Enfin, il resterait à convaincre la population d’une telle installation.

Conclusion

Le soleil est une source d’énergie infinie. L’exploitation de cette énergie se fait depuis la nuit des temps, et l’augmentation des besoins énergétiques la rend de plus en plus indispensable.

Le développement du photovoltaïque a joué un rôle majeur dans la conquête spatiale, car c’est la seule source d’énergie inépuisable dans l’espace.

Aujourd’hui, quasiment tous les satellites envoyés dans l’espace sont munis de panneaux photovoltaïques. Et de nombreuses avancées dans le domaine photovoltaïque permettent l’élaboration de cellules de plus en plus résistantes aux conditions extrêmes qu’elles subissent dans l’espace.

Curiosity est une des rares exceptions en ayant un générateur thermoélectrique à radioisotope, la raison étant que sur Mars les nombreuses tempêtes de sables endommagent les panneaux solaires, les scientifiques ont pu s’en rendre compte avec les précédents Rovers envoyés.

A l’heure actuelle, plusieurs entreprises dans le monde ont dans l’idée d’envoyer une centrale solaire captant le rayonnement du solaire et le transmettant à une base sur Terre. L’idée a de nombreux inconvénients pour une utilisation terrestre mais pourrait permettre dans le futur, l’alimentation de bases lunaires ou martiennes.

L’objectif est maintenant de réduire les coûts, pour rendre ces technologies plus abordables et en faciliter le développement.


Notes et références

  1. The Nobel Prize in Physics 1921 - Albert Einstein :[1]
  2. NASA Glenn Research Center - Solar Cell and Array Standards :[2]
  3. Qiang Fu, University of Washington - RADIATION (SOLAR) :[3]
  4. Techniques de l'Ingénieur - Nanostructures pour cellules photovoltaïques inorganiques : [4]
  5. NASA Fact Sheet - Spacecraft Power for Cassini : [5]
  6. NASA - National Space Science Data Center - Vanguard 1 :[6]
  7. About.com - Inventors - History: Photovoltaics Timeline :[7]
  8. Nasa Special Publication - Inventors - Telstar 1 :[8]
  9. Nasa - Missions - Nimbus 1 :[9]
  10. About.com - Inventors - History: Photovoltaics Timeline :[10]
  11. Gunter's Space Page - Prospero (X-3) :[11]
  12. NREL - Photovoltaics : Past, Present, and Future History of Space Photovoltaics :[12]
  13. NASA - Glenn Contributions to Deep Space 1 :[13]
  14. 14,0 et 14,1 CNRS PROMES - Comportement de cellules solaires sous très forte concentration' :[14]
  15. Robert Castellano, Solar Panel Processing, Editions des archives contemporaines, 2010 ISBN:978-1-933153-10-0
  16. 16,0, 16,1, 16,2, 16,3, 16,4, 16,5 et 16,6 Techniques de l'Ingénieur - Métallurgie du gallium : [15]
  17. Sciences de la vie et de la terre - Isabelle Durand - La bauxite : [16]
  18. 18,0 et 18,1 Daniel LINCOT (IRDEP) - Nanostructures et conversion photovoltaïque : [17]
  19. 19,0 et 19,1 Bulletins Électroniques - Nouveau record mondial : Sharp développe une cellule photovoltaïque d'un rendement de conversion de 35,8% : [18]
  20. OMNT - SHARP : Rendement de conversion record de 35,8% pour une cellule photovoltaïque sans concentration du rayonnement solaire : [19]
  21. 21,0 et 21,1 Spectrolab - Space Products: cells : [20]
  22. 22,0 et 22,1 CNES - FAQ - Techniques spatiales  : [21]
  23. Wikipédia - Contrôle thermique (engin spatial) : [22]
  24. NASA - Satellite Power Systems (SPS) : [23]
  25. JOHN C. MANKINS - A technical overview of the "Suntower" solar power satellite concept : [24]
  26. Los Angeles Times - A giant leap toward space-based solar power : [25]
  27. Le Figaro - Des satellites pour produire de l'énergie dans l'espace : [26]